Dakar a abrité ce mardi un séminaire portant sur les enjeux de la désinformation par rapport à la stabilité et à la démocratie au Sahel initié par Timbuktu Institute en collaboration avec META. L’objectif de ce séminaire régional qui a vu la participation d’experts et de chercheurs du Mali, du Niger, de Burkina Faso, et même du Bénin et d’autres pays de la région de réfléchir ensemble sur les enjeux de la désinformation, notamment dans ce contexte d’insécurité et d’instabilité dans les pays du Sahel.
Selon Bakary Sam, le directeur régional de Timbuktu Institute, ce phénomène se caractérise par sa complexité. D’abord par le nombre des émetteurs. Il y a les influenceurs, il y a les médias, il y a les médias internationaux. « Tout à l’heure, un collègue a parlé du rôle des États parfois dans cette désinformation. Donc c’est un phénomène assez complexe et qui cause des dommages, des conflits intercommunautaires dans certains pays, attise des conflits qui étaient déjà là ou crée de nouveaux conflits. C’est là où se trouve le danger permanent et nous devons prendre toutes les mesures nécessaires pour combattre ce fléau-là » a notamment déclaré Dr Bakary Sam.
Le directeur régional de Timbuktu Institute souligne que les périodes électorales sont considérées comme des moments d’angoisse, alors que l’élection devrait être considérée comme une fête de la démocratie.
« Pendant ces moments de cristallisation des opinions, de crispation, mais aussi de circulation déloyale d’informations, de concurrence autour du sens et du pouvoir, on voit qu’il y a une accentuation du phénomène de la désinformation qui n’est pas que l’œuvre des citoyens lambda, mais aussi les États. » a-t-il notamment dit. Avant d’ajouter qu’il y a des puissances qui mènent une guerre féroce pour le contrôle de l’information et des opinions dans cet espace sahélien.
Bacary Samb estime qu’au Sénégal, nous devons très rapidement aller vers une éducation sur les médias. « Je pense que si on ne le fait pas, nos enfants seront exposés à des types de contenus qui peuvent pousser à la violence. On voit déjà que même les partis politiques ont des armées numériques qui envahissent les plateformes sur des commentaires et nous posent aujourd’hui un véritable problème sur la possibilité d’avoir une information vérifiée, mais aussi sur l’éthique et la déontologie qui devaient entourer le métier du journaliste », a-t-il affirmé.
Le directeur régional de Timbuktu révèle aussi que depuis 2002 jusqu’en 2017, on peut dénombrer plus de 5000 morts dues aux processus électoraux non consensuels et qui ont été la source de violences qu’on a connues dans plusieurs pays d’Afrique subsaharienne. Cela veut dire, selon lui, que la période électorale devrait être considérée au même niveau de risque stratégique que certains phénomènes, comme le changement climatique et d’autres.
« Dans certains pays qui ont même pu régler les questions des menaces transfrontalières vivent les périodes électorales comme des périodes chargées de violence, mais aussi de discours de haine, que l’on retrouve sur les plateformes, dans les médias, et que je pense que cela devrait attirer notre attention. C’est tout le but de ce projet-là que Timbuktu a apporté en collaboration avec META, pour sensibiliser sur les effets néfastes de la désinformation » dixit Dr Samb.
Ce séminaire a été aussi l’occasion de préconiser quelques pistes de solutions pour lutter contre cette désinformation.
« Avant, ce sont les agents de presse, les journalistes, etc. qui émettaient de l’information. Aujourd’hui, avec votre chaîne YouTube, avec votre compte Twitter, avec votre page Facebook, vous êtes émetteur d’informations. Donc, nous avons des exigences de plus en plus élevées en termes d’idéologie, mais surtout d’outils qui nous permettent de faire du fact-checking carrément, mais aussi de pouvoir avoir ce test de déontologie pour que l’information, qui devait être une arme pour la démocratie, ne doit pas être une arme qui tue la démocratie » a dit le Directeur régional de Timbuktu Institute.