Depuis 2020 l’Afrique francophone est le théâtre de plusieurs coups d’État, souvent justifiés par les auteurs comme des réponses à des crises politiques, économiques ou sécuritaires. Ces événements soulèvent des questions critiques sur la démocratie, la légitimité et l’avenir politique du continent.
Gabon : Brice Clotaire Oligui Nguema (2023)
Le 30 août 2023, le Gabon a été secoué par un coup d’État dirigé par le général Brice Clotaire Oligui Nguema, renversant le président Ali Bongo Ondimba peu après sa réélection contestée. La transition est prévue pour deux ans, avec une possibilité d’extension d’un an en cas de force majeure. La charte issue du Dialogue National ne ferme pas la porte à une candidature éventuelle de Nguema aux prochaines élections, laissant entrevoir un schéma où les militaires utilisent les structures démocratiques pour légitimer leur pouvoir.
Burkina Faso : Ibrahim Traoré (2022)
Le Burkina Faso a connu un coup d’État en janvier 2022, mené par le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, renversé plus tard la même année par le capitaine Ibrahim Traoré en septembre 2022. La Charte du Dialogue National offre à Traoré cinq ans supplémentaires à la tête du pays et la possibilité de se présenter aux prochaines élections. Ce coup d’État a été justifié par l’incapacité perçue du gouvernement précédent à gérer la crise sécuritaire causée par les groupes jihadistes.
Mali : Assimi Goïta (2020, 2021)
Au Mali, le colonel Assimi Goïta a dirigé deux coups d’État successifs : le premier en août 2020 contre le président Ibrahim Boubacar Keïta, et le second en mai 2021 contre le gouvernement de transition. Malgré les engagements initiaux de transition vers un régime civil, les militaires ont maintenu leur emprise sur le pouvoir, reportant les élections prévues et invoquant des impératifs de sécurité et de réformes institutionnelles.
Tchad : Mahamat Idriss Déby (2021)
En avril 2021, après la mort du président Idriss Déby Itno, son fils, Mahamat Idriss Déby, a pris le pouvoir à la tête d’un Conseil militaire de transition. Initialement prévue pour 18 mois, la transition a été prolongée, et Mahamat Déby a ensuite été élu président. Cette succession dynastique, bien que passée par des élections, a été critiquée comme un maintien de l’autorité militaire sous une forme civilisée.
Guinée : Mamady Doumbouya (2021)
En septembre 2021, un coup d’État militaire mené par le colonel Mamady Doumbouya a renversé le président Alpha Condé. La transition vers un gouvernement civil a été annoncée, mais les détails de cette transition restent flous. Doumbouya a promis des réformes institutionnelles et des élections futures, mais le calendrier et l’engagement réel demeurent incertains.
Entre Légitimité et Démocratisation
Ces exemples soulèvent des questions critiques sur la nature des coups d’État et leur impact sur la démocratisation en Afrique francophone. D’un côté, les militaires justifient souvent leurs actions par la nécessité de restaurer l’ordre et de répondre aux crises profondes. Dans certains cas, ces coups d’État bénéficient d’un certain soutien populaire, notamment lorsque les régimes renversés sont perçus comme corrompus ou inefficaces.
Cependant, le recours aux coups d’État pose des défis sérieux à la consolidation des institutions démocratiques. Les transitions militaires, même lorsqu’elles sont encadrées par des chartes et des dialogues nationaux, risquent de renforcer une culture politique où la force prime sur les processus démocratiques établis. Cette dynamique peut créer un cycle vicieux où les coups d’État deviennent des outils de légitimation politique, plutôt que des interruptions temporaires en faveur de réformes démocratiques réelles.
Christ Dianga MOUNGOULOU